Le conflit autour de la chefferie cantonale Akouè, peule autochtone de Yamoussoukro a repris. Pour Agustin Thiam, ministre gouverneur de Yamoussoukro «Augustin Dahouet est un faussaire». Il s’est confié à Notre Voie.
Notre Voie : Monsieur le ministre-gouverneur, ça fait un moment que l’on ne vous entend pas. A quoi est dû ce silence, plutôt inhabituel pour un homme politique de votre stature ?
Augustin Thiam : Vous savez, je n’aime pas parler pour parler, mais par nécessité. De plus, tel un métal précieux, la parole est recherchée lorsqu’elle est rare. Je préfère donc choisir mes moments pour m’exprimer. Surtout que ce que je dis est parfois diversement commenté. Mais, que voulez-vous, c’est le prix d’une certaine notoriété attachée à ma modeste personne. Autant par mon extraction que par les fonctions que j’occupe, ministre, gouverneur du district autonome de Yamoussoukro et chef du canton Akouè.
N. V. : La Côte d’Ivoire a brillamment remporté la 34è édition de la Coupe des nations. A Yamoussoukro, vous n’étiez pas en reste dans le soutien à l’équipe nationale qui a fait passer ses supporters par toutes les émotions. Comment avez-vous vécu ce sacre ?
A. T. : Il me reste de ce tournoi continental assez particulier, comme par rémanence, l’image d’une Côte d’Ivoire rassemblée, unie pour défendre une cause, celle de tout un peuple. C’est ce qui m’a le plus marqué et que je tiens à garder au plus profond de moi. C’était surtout, une Côte d’Ivoire réconciliée avec elle-même et unie autour de son chef, le président Alassane Ouattara. Une Côte d’Ivoire soudée pour aller conquérir la coupe d’Afrique, alors que beaucoup n’y croyaient plus. C’est la preuve que lorsque nous sommes unis, nous pouvons relever tous les défis.
N. V. : Quel épisode retenez-vous particulièrement de cette épopée des Eléphants ?
A. T. : Je me rappelle, après la déculottée contre la Guinée Equatoriale, nous sommes allés sur la tombe du président Houphouët-Boigny pour lui confier la suite de la compétition en promettant de venir le remercier si on gagnait le match de Bouaké. Donc après cette étape, l’équipe est revenue et nous avons dit merci au père de la nation. Et nous lui avons demandé de nous donner la Coupe. Et que si on remportait le trophée, on reviendrait à nouveau lui dire merci. C’est un aspect à ne pas négliger. Par l’esprit du père de la nation, nous avons pu remporter le graal continental.
N. V. : A cette occasion, il nous souvient que la délégation camerounaise qui était allée en pèlerinage sur la tombe du président Houphouët, avait été reçue par votre cousin Dahouet Augustin qui vous dispute la chefferie cantonale depuis belle lurette. Quel commentaire ?
A. T. : En effet, je m’étais rendu à Abidjan pour des raisons politiques. Le président Alassane Ouattara nous y avait convoqué. Et pendant mon absence, je constate que mon cousin Augustin Dahouet, comme à l’accoutumée, s’est déguisé en chef de canton pour recevoir la délégation conduite par le président de la FECAFOOT, Samuel Eto’o. J’ai aussitôt saisi Madame l’ambassadrice du Cameroun. Elle m’a répondu qu’elle a suivi la voie officielle auprès du préfet de région. Et voilà, la délégation a été reçue par Augustin Dahouet. Elle a ajouté que ce n’est pas de leur faute. J’ai répliqué, à mon tour, pour dire qu’ils étaient au bon endroit avec la mauvaise personne. Ainsi, je doutais fort que leurs prières soient exaucées. Et je lui ai dit qu’avec ça, l’équipe du Cameroun n’irait pas loin dans ce tournoi. Je l’ai dit avant l’élimination des Lions Indomptables.
N.V. : Vous êtes aussi chef du Canton Akoué. Or, il se trouve que les réseaux sociaux agitent une affaire qui vous met en cause. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
A. T. : Ecoutez, il ne s’agit rien d’autre que de monsieur Augustin Dahouet, un faussaire, qui s’est mis dans la tête qu’il est le chef du Canton Akouè. Et depuis de nombreuses années, cette lubie le hante. Tous les documents qu’il brandit pour attester de cette qualité sont des faux. Et il le sait très bien. Le fameux communiqué qu’il produit pour soutenir ses fantasmes est un faux, puisque c’est lui-même qui l’a écrit avec le soutien de Kouamé Diby Robespierre. J’ai déposé plainte auprès du procureur de la République à Toumodi et les policiers sont venus m’interroger et ils doivent aussi prendre la déposition de M. Dahouet. C’est alors que certains cadres PDCI locaux veulent transformer cette affaire en une affaire politique. Ils ont produit un communiqué qui circule justement sur les réseaux sociaux pour dire que M. Dahouet a été convoqué à la police et que ce n’est pas normal. Bref, ils en font tout un plat. Ils en tirent la conclusion que je risque de monter le peuple Baoulé contre mon jeune frère Tidjane Thiam. Voilà, en gros, ce qui circule sur internet. D’abord, je ne vois pas par quel tour de magie M. Augustin Dahouet représente le peuple Baoulé. Et ils vont plus loin pour dire que ce serait une cabale du RHDP contre le PDCI. Dès lors qu’ils savent que la vérité n’est pas de leur côté, ils cherchent à politiser le débat. Vous noterez que partout où il y a des problèmes de chefferie dans le peuple Baoulé, c’est parce que les politiciens s’en sont mêlés. C’est une constante. En revanche, lorsque le politique n’intervient pas et qu’on laisse la tradition opérer, les problèmes se gèrent très bien. Ce faisant, j’ai moi aussi produit un communiqué pour recentrer le débat et dire que c’est une action initiée par Augustin Thiam, contre Augustin Dahouet qui, pour moi, est un faussaire. Parce qu’il n’a jamais été chef du Canton Akouè. Et je me demande comment, il pourra l’être un jour, puisqu’il descend de ‘’garçon’’, alors que c’est le matriarcat en pays Baoulé. Voilà le vrai problème de M. Augustin Dahouet qui refuse de voir la réalité en face. Non seulement les documents qu’il produit sont faux, mais il est en rébellion contre une décision de la Cour suprême qui l’a débouté. Il m’a attaqué à la Cour suprême, il a perdu. Il est allé en Cassation, il a également perdu. Malgré tout ça, il continue à défier la justice. Il y a un arrêté préfectoral qui fait de moi le chef du Canton Akouè. Lui, il n’en a aucun, mais il continue à se prévaloir du titre. C’est du grand banditisme ! Sur la base de cet arrêté, le président de la République m’a nommé au sein de la Chambre des rois et chefs traditionnels de Côte d’Ivoire. Cette Chambre ne reconnait pas M. Augustin Dahouet. A part le document produit par le royaume de Sakassou, ce dernier n’a aucun document qui peut justifier ses prétentions. D’ailleurs, ce n’est pas Sakassou qui nomme les rois et chefs en pays Baoulé. Ce royaume n’a pas cette compétence. M. Dahouet se promène de funérailles en funérailles et se fait appeler Nanan Kouassi N’Goh III. Cette comédie commence à dater.
N. V. : A vous entendre, on sent que vous soupçonnez certains hommes politiques de soutenir officieusement Monsieur Dahouet…
A. T. : Je ne les soupçonne même pas, c’est une certitude et je connais leurs noms. Mais je préfère ne pas les dévoiler, pour le moment. C’est le PDCI local qui a fabriqué Augustin Dahouet. L’objectif inavoué étant d’opposer le RHDP au PDCI sur la question de la chefferie. Ce sont de vieux routiers de la politique locale à Yakro et ils continuent de sévir. Ils se reconnaitront. Et certains vont jusqu’à insinuer que je chercherais à nuire à mon petit frère qui est le président du vieux parti. Ça n’a aucun sens. Est-ce qu’ils connaissent la profondeur des relations qui me lient à mon petit frère ? Je n’ai aucun problème avec lui. Nous communiquons régulièrement. Nous faisons tout ensemble. Il est au PDCI et moi, au RHDP. Ça ne nous pose aucun problème. Il a dit au président de la République, ‘’nous sommes de la même famille, des enfants du même père, Felix Houphouet-Boigny’’. Il y a une qui se fait appeler Tantie Margo qui fait des publications sur les réseaux sociaux et dans les journaux. Elle se présente comme la fille de Vieux Simon. Mais en réalité, elle est plutôt la fille de l’épouse de Vieux Simon. Au moment où il la mariait, cette dernière était déjà née. Quand elle soutient que le royaume du Walebo a tranché en faveur de Dahouet, c’est totalement faux. L’année 2014 à laquelle elle fait référence, le roi de Sakassou était mort il y avait plus de 10 ans. À quel moment a-t-il rendu ce verdict ? De plus, les chefferies en pays baoulé sont autonomes. Ce n’est pas le roi de Sakassou qui désigne les chefs des autres tribus. Toutes les tribus sont indépendantes. Parlant de Dahouet, il ne peut être le chef parce que lui et sa mère sont du côté paternel. Or en pays baoulé, c’est le matriarcat
N. V. : Finalement, que doit-on retenir ?
A. T. : Je vis à Yamoussoukro depuis vingt-deux ans. Et peut-être que ce que je vais dire va paraitre immodeste, mais j’estime que je tiens haut le flambeau de la famille Thiam. Depuis vingt-deux ans, je me bats pour faire respecter les droits du peuple Baoulé, par ma double casquette de chef canton et de ministre-gouverneur. Je construis des écoles, des maternités, des hôpitaux. Bref, je pose des actes de développement au bénéfice du peuple Baoulé. Que fait Augustin Dahouet pour le pays Baoulé ? Quel acte a-t-il posé pour ses parents ? Je demande au peuple Baoulé de mettre leur confiance en ceux qui font des choses pour lui. Et puis, j’aimerais terminer par cette précision qui me parait fondamentale. Chez nous, les Baoulé, votre village, c’est celui de votre mère. Le plus bel exemple est le père de la nation, Felix Houphouet-Boigny lui-même. Yamoussoukro est le village de sa famille maternelle. Or, quand on prend Dahouet, sa mère vient de Morofê, son père vient de Tiébissou. Pour trouver quelqu’un qui vient de Yamoussoukro dans sa généalogie, il faut remonter à la mère de son grand-père maternel. Alors, je voudrais qu’on me dise, dans quelle tribu Baoulé, votre village est celui de la mère de votre grand-père maternel ? Ce qui est le cas de Monsieur Augustin Dahouet.
N.V. : Est-ce que Tidjane maitrise les us et coutumes en pays baoulé ? qu’qu’il en pense ?
A. T. : Tidjane est bien informé comme son frère que je suis du processus de la succession. Il pouvait être désigné comme chef. Si ce n’est pas moi, c’est lui. Et il est bien au courant.
Entretien réalisé par Guillaume T. Gbato