Le ministère de la réconciliation a été supprimé et disparaît de la nomenclature des départements ministériels. Qu’est-ce qui n’a pas marché entre-temps pour que toutes les belles initiatives prises depuis 2011 en faveur de la réconciliation n’aient pu atteindre à ce jour les résultats escomptés ?
Dans un entretien qui s’est déroulé au siège de sa structure à Toumodi le mercredi 29 novembre dernier, Frédéric Tanoh-Niangoin, président de l’Ong ALERTE CONFLIT spécialisée dans le règlement des conflits a donné son avis sur la question et a proposé comme solution entre autres, la CATHARSIS qui est un acte de contrition ou de repentir collectif.Le Gouvernement Mambé I du 18 octobre dernier a vu la suppression du Ministère de la Réconciliation et de la Cohésion Nationale ainsi que l’éviction par ricochet de son titulaire le Ministre KOUADIO Konan Bertin dit KKB. L’on observe toutefois que le volet Cohésion Nationale est conservé et confié à la Ministre Belmonde DOGO désormais en charge du Ministère de la COHÉSION NATIONALE, DE LA SOLIDARITÉ ET DE LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ. Peut-on en déduire que la Réconciliation pour laquelle tant d’instruments, de mécanismes et d’intelligences ont été mis à contribution depuis plus de deux décennies est désormais actée et qu’elle n’est plus une priorité ? Sinon devrait-on conclure que le pouvoir OUATTARA manque de volonté politique ou de solutions appropriées ? Quel est votre avis ?
Les non-dits de vos questionnements semblent soulever subtilement des préoccupations se rapportant aux crises politiques et relationnelles cumulées de la société Ivoirienne qui n’ont pas connu de véritables résolutions, malgré les dispositions institutionnelles mises en œuvre et la sublimation des concepts de Cohésion Sociale ou de Cohésion Nationale et du vivre ensemble. Est-ce la volonté politique qui a manqué ou des solutions appropriées qui restent à trouver ? Seule une évaluation des différentes initiatives prises et une analyse objective des actes posés, ainsi que des actions menées permettront d’apprécier.
L’ONG Alerte Conflit qui œuvre sous l’empire de l’ODD16 : PAIX, JUSTICE ET INSTITUTIONS efficaces, Objectif transversal qui vise à Promouvoir l’avènement des Sociétés Pacifiques et ouvertes, aux fins du développement durable…..’’ juge nécessaire de faire, par devoir de Mémoire, quelques piqûres de rappels. Cela dit souvenons-nous du Forum National de la Réconciliation organisé en 2001 après le coup d’Etat de 1999, pendant deux mois, sans qu’une thérapie réelle n’ait été retenue, sans oublier la rébellion armée de 2002 qui a suivi une année après. Souvenons-nous de la Commission Dialogue Vérité et Réconciliation ‘’CDVR’’ créée en 2011 suite à la crise postélectorale liée à l’élection présidentielle de 2010 et de la Commission Nationale pour la Réconciliation et l’Indemnisation des Victimes ‘’CONARIV’’ créée en 2015 dont les missions respectives ont connu une fin en queue de poisson… Pourquoi ? Souvenons nous que, tout comme le rapport final de la CDVR a été rendu public en l’absence de son Président le Premier Ministre Charles KONAN-BANNY, la passation des charges de la CONARIV a été boycottée par son Président Monseigneur Siméon AHOUANA-DJRO et tous ses vice-présidents…Pourquoi ?
Souvenons-nous également du Programme National de Cohésion Sociale ‘’PNCS’’ crée en 2015 et confié au Professeur Mariatou KONE l’actuelle Ministre de l’Éducation Nationale et de l’Alphabétisation, à cette époque Ministre de la Femme, de la Protection de l’Enfant et de la Réconciliation, qui avait suscité beaucoup d’espoir. Il convient de rappeler que les trois Institutions ‘’CDVR’’, ‘’CONARIV’’ et ‘’PNCS’’ avaient pour dénominateur commun LA RÉCONCILIATION et devaient promouvoir le VIVRE ENSEMBLE, puis trouver des solutions durables aux problèmes qui mettent en péril la Cohésion Nationale. Au regard de ce qui précède, notre mémoire est soumise à plusieurs interrogations et hypothèses. Qu’est ce qui n’a pas marché entre temps pour que toutes ces belles initiatives prises depuis 2011 en faveur de la Réconciliation Nationale n’aient pu atteindre à ce jour les résultats escomptés?Que s’est-il passé pour que le volet RÉCONCILIATION disparaisse de la nomenclature des départements ministériels, après la récente dissolution du Ministère qui lui était dédié et dans lequel elle était en binôme avec la Cohésion Nationale ? La posture actuelle de la RÉCONCILIATION désormais à la remorque du précédent Ministère de le Solidarité et de la lutte contre la pauvreté crée en avril 2021 dont la titulaire Myss Belmonde DOGO continue de chercher ses marques depuis son entrée au Gouvernement le 4 septembre 2019 en qualité de Secrétaire d’État auprès du Ministre de la Femme, de la Famille et de l’Enfant, n’est-elle pas une remise aux calendes grecques, sinon une soumission à un traitement à la hussarde ou en ‘’ça fait rien’’ comme on le dirait à ABOBO ? Qu’est-ce qui continue de ne pas marcher pour que l’espoir d’une Réconciliation Nationale suscitée par la rencontre historique des trois Grands Henri KONAN BEDIE, Alassane OUATTARA et Laurent GBAGBO soit douchée par l’affaire de retrait de la liste électorale du Président du PPA-CI, alors que dans le contexte actuel cela aurait pu être évité par une simple volonté politique ? C’est donc à juste titre que le Ministre KOUADIO Konan Bertin dit KKB avait déclaré depuis les États- Unis où il rencontrait en octobre 2022 la diaspora Ivoirienne que : ‘’ quand nous aurons réussi à organiser des élections en 2023 et 2025 sans violences, alors je pourrai dire que la Côte d’Ivoire est désormais réconciliée’’.
Malgré tous les atouts que présentait ce jeune Ministre pour réussir sa Mission et la belle initiative prise pour l’élaboration de la Stratégie Nationale de Réconciliation et de Cohésion Sociale intitulée SNR CS 2021-2025, il a été déchargé de ses fonctions et le volet Réconciliation supprimé dans les nomenclatures Ministérielles. Or dans le contexte Ivoirien que nous vivons il ne peut avoir de Cohésion Nationale sans véritable Réconciliation.
Que nous réserve donc 2025 si la situation reste en l’état ?
La Réconciliation ne se décrète pas et ne se limite pas non plus à des vœux pieux. Elle suppose un certain nombre de valeurs, notamment l’humilité, la sincérité, la vérité, l’équité, l’amour, l’engagement, le dépassement de soi, qui sont des conditions incontournables de sa réussite. La réconciliation est non seulement un passage obligé pour aller à la Paix durable et à la Cohésion, son principe fondamental est qu’elle ne saurait être un Acte unilatéral ; elle se fait nécessairement à deux ou à plusieurs. Elle a des outils universels éprouvés que sont principalement la CATHARSIS qui est un acte de contrition ou de repentir collectif, le PARDON pur et inconditionnel qui est un puissant travail de deuil qui détache de la douleur, libère l’âme et l’esprit.
La Réconciliation a en partage avec la Cohésion Sociale ou Nationale d’autres outils tels que le Dialogue, la Tolérance, l’offre de Paix, l’Humanité, l’Engagement, la Communication, le Respect de la parole donnée, etc.
Le Gouvernement Ivoirien n’avait-il pas décidé en Août 2020, à trois mois de l’élection du Président de la République, d’instituer une JOURNEE DU PARDON ET DU SOUVENIR qui devra être célébrée au mois de décembre de chaque année ? Voila trois années passées qu’aucune initiative n’est allée dans ce sens.
Ici encore la parole donnée n’a pas été respectée et la volonté politique n’a pas été au rendez-vous. Au demeurant qu’a-t-on déjà fait de significatifs depuis une vingtaine d’années aux différentes manifestations annuelles de notre JOURNÉE NATIONALE de la PAIX instituée par décret n°96-205 du 7 mars 1996 sous la Gouvernance de BÉDIÉ ? Quel a été l’acte majeur de la 27ème journée de la Paix célébrée d’ailleurs en deux temps et en vase clos le 15 et le 25 novembre 2023, d’autre part ? Le Président Félix Houphouët dont on se réclame pour la plupart héritier Politique s’est investi dans la Réconciliation et la Paix. Il savait Pardonner et se remettre en question. Il a avoué les faux complots et détruit la prison d’Assabou qui était devenue une face à cacher. Il a libéré tous les prisonniers politiques et les a tous dédommagés. Il a fait du dialogue une religion virtuelle et de la tolérance un principe dans sa gouvernance.
Célébrer la Paix est bien et même très bien, faire des déclarations de bonnes intentions rassure, mais poser des actes qui riment avec la Réconciliation, la Paix et la Cohésion Sociale, voire Nationale est mieux et même nettement mieux.
Vu tout ce qui précède, nous pouvons conclure aisément que les solutions appropriées pour Réconcilier les Ivoiriens et parvenir à la Cohésion Nationale existent et restent à explorer ; par contre la volonté politique, même si elle existe, n’est pas encore bien perçue.